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Vincent Seclin
3 mars 2017

Les Fake News

«Démocrates, méfiez-vous des fausses nouvelles. Des «fake news», comme on dit sur le web où elles pullulent. Des petites et surtout des grosses, offertes complaisamment en ces temps de fêtes par les populistes de tout poil» Démocrates, unissez-vous contre les fake news, alerte Eric Le Boucher dans Echos. Les invasions barbares de «fake news» ont commencé. Les fausses informations sont souvent mises en avant pour expliquer l’inexplicable, l’élection de Donald Trump. Aux Etats-Unis, certaines «fake news» ont atteint une audience considérable pendant la campagne présidentielle. Buzzfeed a montré que plusieurs d’entre elles avaient atteint des taux d’engagement sur Facebook supérieurs aux articles de presse ayant le mieux fonctionné. Parmi ces blockbusters du fake, on retrouve l’article clamant que le pape soutenait Donald Trump ou ce papier assurant que Hillary Clinton a vendu des armes à Daesh. Les «fake news» sont le nouveau spam. Il faudrait de toute urgence les faire disparaître de la circulation pour retrouver un débat démocratique serein. Pressé de toutes parts d’agir, Facebook a annoncé mi-décembre un plan anti-fausses informations. Le réseau social laissera des fact-checkers issus de grands médias contrôler la véracité d’articles signalés par les utilisateurs. Mais Facebook a bien senti les risques de cette méthode. Dans le communiqué d’annonce, l’entreprise écrit d’emblée qu'«ils ne peuvent devenir les arbitres de la vérité». Manière de se prémunir des inévitables polémiques qui risquent d’advenir avec la mise en cause de tel ou tel article litigieux. La solution qu’a trouvé Facebook est donc de laisser à des «tierces parties» le soin de juger de la véracité des articles. Se constitue ainsi une forme de tribunal mondial de la vérité, constitué pour l’instant d’ABC News, FactCheck.org, Associated Press ou Politifact. À l’issue d’une sortie extrêmement risquée en dehors de ma bulle de filtres, je suis en mesure de vous rapporter des infos de l’autre côté de l’information. Protégé par mon gilet pare-fake news (une extension Chrome de Slate.com), je me suis rendu sur RT, le désormais fameux site de propagande russe, dénoncé largement dans le récent rapport du renseignement américain sur les ingérences russes dans les élections américaines. Russia Today dénonce cette «chasse aux fake news» qui ne serait menée «que par des groupes américains». Et le site russe énumère la liste des bailleurs de fonds de l'IFCN, organisme qui a édicté une charte du fact-checking que doivent signer les médias partenaires de Facebook: la fondation Bill & Melinda Gates, Google, l’Open Society Foundation de George Soros ou le National Endowment for Democracy, un organisme financé par le département d’Etat américain. Le lien entre ces fondations et les médias qui fact-checkeront les articles litigieux est pour le moins ténu mais il n’est pas absurde de s’en offusquer. Aux Etats-Unis aussi, les critiques ont fusé. Le média le plus proche de Donald Trump, Breitbart.com, écrit: «Les maîtres du monde l’ont décrété: nous décidons ce que sont les fake news». Et on ne peut pas tout à fait leur donner tort. Quoique le nouveau duo de maîtres du monde, Donald Trump et Vladimir Poutine, défend un régime de vérité diamétralement opposé à celui de Facebook. Trump qui ne cesse de répéter sur Twitter : «Media is fake!». Comprendre les médias traditionnels. Ainsi se dessine 2017. Une violente guerre de l’information entre «trolls» placés chacun d’un côté de la tranchée de la «post-vérité» et s’envoyant des rafales de «fake news». Il faut bien noter toute la relativité de ces termes. Le «troll», celui là même qui partage des fausses informations, c’est toujours l’autre, celui qui ne pense pas comme nous. C’est tout le problème de cette expression de «fake news». Elle est à manier avec d’infinies précautions, afin de ne pas confondre opinion et fausse information délibérée. La définition la plus sage de «fake news» est celle retenue par Slate.com: «des articles qui sont mis en page pour ressembler à des articles de journaux mais dont les faits essentiels ont été inventés par leurs auteurs — et démentis de manière convaincante par des sources réputées.» Slate.com met l’accent sur la volonté délibérée de tromper le lecteur en faisant passer des fictions pures pour des articles de presse. Et ne met pas dans le même panier les sites ultra-partisans qui tordent la vérité à leur avantage mais ne la créent pas de toute pièce. Selon cette définition, «Le pape François choque le monde entier, soutient Donald Trump et publie un communiqué» est une pure «fake news», issu d’un site satirique maquillé en vrai site d’information. Mais l’article «Wikipedia confirme que Hillary a vendu des armes à Daesh», classé par Buzzfeed comme une «fake news», n’en serait pas une. L’article est partisan, le titre de mauvaise foi mais il se base sur des déclarations de Julian Assange qui peuvent le laisser entendre. Snopes.com, site de vérifications des rumeurs, donne ainsi la note «mixture» à cet article, signifiant un mélange de faux et de vrai. Mais tout le monde ne partage pas la définition de Slate.com. Le Nouvel Obs dessine une sphère de la «fake news» qui s’étend jusqu’aux sites d’informations partisans (mais qui n’est pas partisan?): «L’étendue du mensonge est sans limite. A côté de la satire pure, comme celle des sites comme The Onion ou son cousin français Le Gorafi, dont les informations imaginaires peuvent être reprises très sérieusement par des politiques officiels peu prudents, on trouve la propagande subtile de la chaîne Russia Today (RT) ou du site Sputnik, tous deux pro-Kremlin à 100 %. A l’autre bout du spectre, les sites de «réinformation» (on parle aussi de «fachosphère»)».

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